Chronique de la démence ordinaire

Posted on Jul 24, 2007

Ou l'art de cultiver les TOC avec raffinement et en bonne compagnie.

Il est de certaines détresses morales dont seul un lieu d'expression tel que le blog peut faire resplendir l'inanité. La question fondamentale que je veux soulever est celle de l'appariement des chaussettes. Si vous êtes capables de commencer la journée en enfilant sciemment deux chaussettes qui ne forment pas une paire, et ce sans la moindre arrière-pensée, je crains que ce billet vous en touche une sans faire bouger l'autre.

Pour l'apparieur de chaussettes consciencieux surgit le problème délicat des paires de chaussettes identiques, source d'ambiguïté. Si je dispose de deux paires de chaussettes identiques, il n'y a pas moins de 3 façons de former deux paires avec ces quatres chaussettes (nous supposerons que vous ne faites pas la différence entre la gauche et la droite), dont une seule correspond aux deux paires canoniques (je vous laisse vous amuser tous seul avec la combinatoire du problème pour un nombre de paires de chaussettes quelconque). Quelle importance ? Le taux d'usure des chaussettes n'est potentiellement plus uniforme. Il n'est pas impossible qu'à ce point de l'exposé vous vous mettiez à douter de ma santé mentale : c'est bien légitime. Bref, sur mes quatres chaussettes que je considérais tout à l'heure on peut arriver avec le temps et au gré des arrangements plus ou moins aléatoires en paires à quatre taux d'usure distincts pour ces chaussettes. Avouez que c'est fâcheux.

Frappé par l'absurdité du problème considéré je décidais d'en faire profiter mes collègues. C'est là que l'un d'eux a exprimé une compréhension inattendue pour mon problème et m'a fait part de son « truc » : forcer artificiellement l'usure prématurée d'une des paires pour pouvoir la reconnaitre.

Là où je m'attendais à ce qu'on se moque ensemble de ce genre de préoccupations futiles auxquelles on ne me reprendra plus (malgré les apparences je suis soucieux de ma santé mentale—si si), j'avoue que le tour qu'a pris la conversation m'a laissé perplexe. Je ne sais pas ce qui est le plus bizarre, entre le fait que je ne suis pas le seul à avoir réfléchi au problème, et celui que quelqu'un de mon entourage y a déjà trouvé une solution. D'après le chef nous sommes tous les deux « fous à lier », et il n'a pas complètement tort. Heureusement, dans ce que je fais l'avis du chef n'a qu'une importance bien négligeable.